pouvoir et contre-pouvoir / léo ferré / préface --------------------
La
poésie contemporaine
ne chante plus
Elle rampe Le snobisme scolaire qui consiste, en poésie, à n'employer que certains mots déterminés, à la priver de certains autres, qu'ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait penser au prestige du rince-doigts et du baisemain Ce n'est pas le rince-doigts
qui fait les mains propres ni le baisemain qui fait la tendresse La poésie est une clameur. Elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie. Elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche L'embrigadement est un signe des temps. De notre temps Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes Les sociétés littéraires c'est encore la Société La pensée mise en commun est une pensée commune
Beethoven était sourd Il
fallut quêter
pour enterrer Bela Bartok Tout le monde s'en fout L'Art n'est pas un bureau d'anthropométrie La Lumière ne se fait que sur les tombes
Nous
vivons une époque
épique et nous n'avons plus rien d'épique Qui donc inventera le désespoir ?
Avec nos magnétophones qui se souviennent de "ces voix qui se sont tues", avec nos âmes en rade au milieu des rues, nous sommes au bord du vide, ficelés dans nos paquets de viande, à regarder passer les révolutions
Les plus beaux chants sont les chants de revendications
Le vers doit faire l'amour dans la tête des populations.
A L'ECOLE DE LA POESIE ON N'APPREND PAS
--- léo ferré, extrait de l'album il n'y a plus rien
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